
L'amour, combien de temps dure t-il ? J'ai l'impression qu'une théorie plane sur nous. Que l'amour ne dure que le temps qu'il se plaît à durer, au fil des caprices qu'il s'est créé, que les amants ont fixé, et souvent sans le vouloir. Je ne crois pas aux amours cinématographiques dont on ne voit jamais la fin, parce que même pas filmé, je ne crois pas aux amours des romans parce que, justement, c'est romancé, je ne crois pas aux amours chantés, inventés, non je ne crois même pas à l'éternel bonheur de personnages fictifs. Pourtant. Oui pourtant j'ai tellement envie de voir ma vie façon Princesse de Clèves, sans souffrance, pourtant c'est si beau, façon Bovary, Bel-Ami, Sorel, de la manière des Zolas les plus terribles, pourtant je me fais toujours ces scénarios sans fond, juste la forme, pourtant lorsque je regarde à la fenêtre, en écoutant les plus poignantes des voix, je me crois moi aussi personnage. Je suis malheureuse.
Je n'ai même pas pleuré lorsqu'il fallait. J'ai l'impression que rien n'a changé. Rien n'a changé. Mais je veux dire : j'ai l'impression que c'est trop futile. Trop facile. Deux jours plus tard, soit aujourd'hui, je me suis mise à perler des yeux, sans le vouloir, sans comprendre, sous un total autre pretexte, parce que j'étais à fleur de peau, et croyant pleurer pour autre chose, j'ai bel et bien pleuré pour ça.
Ma rage était telle, tout de suite la colère, marque au fer rouge des moments de douleur, je ne me croyais pas telle, pas si banale, j'ai honte de ma situation, j'ai l'impression de ne plus savoir vivre, marcher, parler, aimer, oui surtout aimer, parce que mon amour je ne sais pas si je l'ai, toujours, ou s'il est parti au fil des jours.
Si je pleure, est-ce d'une simple tristesse en regret du passé, ou est-ce La Tristesse, celle qui vous redonne l'inspiration des jours noirs, celle qui vous consume, le magnifique spleen des sentiments ?
Je ne sais même pas, ce qui signifie que je sais déjà, que je tenais moins à lui que je ne le crois, que c'est sûrement une bonne chose, je m'en persuade déjà pour ne pas, encore, verser les larmes de ma honte.